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Les armes de la Vendée

 

 

Les armes de la Vendée

 

L’étude de l’armement de l’insurrection vendéenne et de la Chouannerie ne peut se faire que dans leur contexte. C’est à dire en suivant le déroulement des opérations auxquelles l’évolution de cet armement est intimement liée. Lorsque l’insurrection commence, les armes à feu dont elle dispose sont assez peu nombreuses. Elles consistent en de mauvais fusils de chasse de paysans, transmis de père en fils, et le plus souvent passablement usés. Comme tous les ruraux, et plus spécialement ceux du sud de la Loire, les Vendéens sont de grands chasseurs, les seigneurs locaux, dont souvent les paysans sont les compagnons de chasse habituels, sont très libéraux sur ce point. Cela explique l’adresse au tir de la plupart des insurgés surclassant largement leurs adversaires.

On pallie cette déficience en armes à feu, qui vu le nombre des volontaires, ne dote qu’une partie restreinte des combattants, par des armes d’hast improvisées. C’est d’abord la célèbre « faux redressée », que l’imagerie populaire a rendue indissociable du « Chouan », qu’elle s’obstine à confondre avec le « Vendéen » et à représenter en costume breton avec les « bragou braz », que portèrent seulement quelques-uns des compagnons morbihannais de Cadoudal. Cette faux redressée, de maniement analogue à la hallebarde ou du fauchard médiéval, est d’ailleurs une arme terrible. Permettant de frapper aussi bien d’estoc que de taille, plus légère, donc plus maniable, et plus longue que le fusil muni de sa baïonnette, elle s’avère supérieure à celui-ci, une fois qu’il est déchargé. Elle permet même de se défendre avantageusement du cavalier tout en se tenant hors de portée de son sabre et au besoin de couper les jarrets de son cheval. A ces faux, viennent s’ajouter les piques, que la Convention a fait fabriquer partout pour compléter l’armement de la Garde Nationale, et que l’on retrouve abondamment dans les villes ou les gros bourgs que l’on prend. Vient ensuite toute une floraison d’armes improvisées, faites d’une lame quelconque ou d’une baïonnette dépareillée fixée au bout d’une hampe. Enfin, pour terminer, les bâtons, « triques » ou « gourdins », ferrés ou non, redoutables dans les corps à corps.

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De cet armement rudimentaire, dont les Vendéens par leur courage et une tactique très personnelle tirent un grand parti, celui-ci va vite s’améliorer et se transformer par les prises, qui dès le début sont faites en quantités croissantes sur les républicains. Parfois ce sont des arsenaux complets dont on s’empare, et ainsi, lors de la prise de Saumur, c’est 100 000 fusils et 80 canons qui y sont trouvés. Très rapidement, presque chaque insurgé, bien que les effectifs n’aient cessé de s’accroître, se trouve pourvu d’un fusil à baïonnette.

Cependant, tant que les Vendéens ont affaire à la Garde Nationale, la qualité de ces armes laisse à désirer. En effet, celle-ci ne reçoit que les rebuts de l’armée. Tous les fusils en parfait état, les plus récents, les moins usés, englobant tous les modèles postérieurs à celui de 1754, ce dernier inclus, sont envoyés aux frontières, armant les troupes de ligne. La Garde Nationale ne récupère que les armes archi-usées des modèles antérieurs, voire d’anciens mousquets à mèche de la fin du siècle précédent, transformés en fusils par l’échange de leur platine, ou même des fusils de chasse réquisitionnés et munis d’une baïonnette. Mais, pour les combattants du roi qui s’en emparent, ils sont capables de tirer, et valent mieux qu’un simple bâton. La qualité de cet armement va d’ailleurs rapidement s’améliorer, au fur et à mesure que la Convention jette de plus en plus de troupes de ligne dans la lutte, pour pallier l’insuffisance d’une Garde Nationale pauvrement armée et surtout manquant d’esprit combatif. Ainsi, lorsque le 9 septembre 1793, les 25 000 soldats que la capitulation de Mayence libère, arrivent à Nantes, l’armée vendéenne se trouve pratiquement aussi bien équipée qu’eux, ce dont les bleus vont immédiatement s’apercevoir. En effet, les Vendéens disposent d’armes de prise, en particulier du fusil 1777 avec sa giberne ainsi que du sabre court «  briquet » (voir ci-dessous).

 

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Sabre Briquet

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Fusil 1777

 

 

Les armes anglaises

Il faut détruire la légende des « fusils anglais » qui auraient armé de nombreux combattants vendéens. Ceux-ci en effet, ne reçoivent pratiquement pas d’armes britanniques, si ce n’est tardivement, et semble t-il une seule fois en 1795 lors de l’apparition fugace du duc d’Artois (futur Charles X) à l’île d’Yeu. Un débarquement assez important d’armes, munitions et équipements a lieu à Saint-Jean-de-Monts, matériel qui est scrupuleusement payé en blé par les Vendéens, qui ne veulent rien devoir aux anglais, pour lesquels ils n’éprouvaient qu’une sympathie modérée. Les fusils livrés n’étaient pas les excellents « Brown Bess » de l’armée britannique, mais bien souvent des armes de traite réquisitionnés dans les magasins de la Compagnie des Indes. Peut-être s’y ajoute t-il quelques « Militia Model » version simplifiée et de fabrication fruste du modèle réglementaire, destinée à la marine et à la milice, conservant souvent la baguette de bois.

 

L’armement des Chouans

Si la Vendée ne reçoit guère d’aide de l’Angleterre, il ne semble pas qu’il en soit de même pour la Chouannerie, qui, surtout à partir de 1795, est en rapport constant avec Londres. C’est à cette date que les anglais paraissent réellement s’intéresser aux insurrections de l’ouest, dont ils n’ont certainement pas jusque là saisi toute la portée. 1795, voit en effet le retour d’Angleterre du Comte de Frotté, venant prendre la tête de la Chouannerie, le débarquement de Quiberon dont l’impéritie des émigrés fit un désastre, et enfin la venue du duc d’Artois à l’île d’Yeu est le seul débarquement d’armes et de munitions qu’aient connu les Vendéens. La Chouannerie qui n’a pas bénéficié comme la Vendée de la « manne républicaine », ses opérations de moins d’amplitude ne lui ayant pas permis de se saisir d’arsenaux entiers, va alors avoir des relations suivies avec l’Angleterre, Jersey servant de relais. Les débarquements d’armes et de munitions vont dorénavant se succéder, d’autant plus nombreux que les populations côtières étant dans leur grande majorité républicaines, ils ne peuvent avoir lieu que subrepticement, et ainsi ne porter que sur des quantités restreintes. Sans doute fournit-on aux Chouans les mêmes armes qu’aux Vendéens, en particulier ces fameux « Militia Model » qui semblent avoir majoritairement constitué l’armement des émigrés à Quiberon. Il est certain qu’en petites quantités, et exceptionnellement sans doute, sont livrées quelques carabines rayées, dont certaines possèdent la platine à coffre de Nock.

 

Les tromblons de la Duchesse de Berry

La Duchesse de Berry, mal conseillée, « s’embarque » en 1832 dans une tentative de soulèvement. En quittant Naples pour la France, elle débarque clandestinement, amenant avec elle des armes en faible quantité, sans doute par manque de fonds, absolument impropres à la guerre. Ce sont en effet 150 petits tromblons du genre « coach guns » à canon de bronze, essentiellement destinés à la défense individuelle, et dont la portée ne dépasse pas quelques pas. La disparition du brigandage, après les guerres napoléoniennes, a depuis longtemps rendu ce genre d’armes périmées, et pratiquement invendables. On peut alors songer à une escroquerie, ou tout au moins, à une incompétence abyssale de celui qui a conclu cette transaction. C’est malheureusement avec ces armes que les derniers partisans de la Duchesse défendirent le château de la Pénissière, dont la prise, après un siège d’une journée, marqua la fin de soulèvement.

 

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(Source : Gazette des armes - octobre 1984)