L' Artillerie Vendéenne

 

L’Artillerie Vendéenne

 

Le XVIIIème siècle généralise l’utilisation des armes à feu amorcée au siècle précédent. Equipés de baïonnettes à douille, les fusils ont supplanté les piques et autres hallebardes et sont devenus ainsi l’arme de base. L’artillerie, « Ultima Ratio Regis » (dernier argument du Roi, devise gravée sur les canons) est devenu un élément de première importance sur le champ de bataille, autant en rase campagne, que pour assiéger ou défendre une place forte.

Tout cela nécessite une logistique importante, chose quasiment inconnue auparavant. Autre élément significatif, à l’issue de la bataille, le vainqueur resté sur le terrain, expédiait immédiatement des corvées afin de récupérer les boulets tirés…avant la relève des blessés.

La portée moyenne était d’environ 600 m à mitraille, 800 m avec boulet, mais 2000 m avec ricochet. Les boulets étaient pleins en fonte ou en fer battu. Ils étaient utilisés en tir tendu et donc très dangereux pour les soldats situés dans l’axe du tir, mais également pour tous les tirs avec effet de « rebond ».

Pour pouvoir se représenter l’importance du charroi en volume sur le champ de bataille,  prenons l’exemple d’une brigade de 10 pièces de 8 (pièces d’artillerie légère de campagne). Cela représentait une trentaine d’attelages et 150 chevaux, soit :

  • 10 canons attelés
  • 6 charrettes à 154 boulets chacune
  • 3 charrettes de poudre à 600Kg chacune
  • 4 charrettes de matériels pour les sapeurs (outillage, équipements, armements). Sur le champ de bataille, les pièces mises en batterie en poste fixe sont protégées par un minimum d’organisation du terrain (fossé, talus, gabions, chevaux de frise et autres obstacles) dont la forme la plus élaborée est la redoute, organisée comme un bastion de fortification. Cela nécessitait un travail de sapeur qui était le lot habituel des fusiliers du Roi, fantassins chargés de protéger les artilleurs.
  • 6 charrettes de munitions (200 kg de poudre, 200 kg de plomb, 150 kg de mèche)
  • 1 charrette d’allègement (bagages, vivres)
  • 1 affût de rechange

 

Après chaque action de feu, il fallait reconstituer les stocks de munitions, ce qui nécessitait la formation de convois de plusieurs centaines d’attelages sur des distances qui s’allongeaient au fur et à mesure de l’éloignement des bases. Ainsi, avec un potentiel d’artillerie devenu trop limité, sans chevaux de rechange, faute d’approvisionnements, un chef militaire imprévoyant était contraint à la retraite.

Dans ces conditions, on peut facilement mesurer le lourd handicap d’une armée sans logistique ou tout au moins d’une logistique trop tributaire de la fortune de guerre, telle que l’était celle des Vendéens, malgré tous les efforts du commandement.

Si, au tout début, les insurgés ne possèdent pas de canons, ils en auront rapidement beaucoup. Tous pris à l’ennemi. Les premiers canons joueront le rôle de fétiches pour les paysans : le «Missionnaire » pris à Chalonnes, le « Brutal » à Chemillé, la « Marie-Jeanne » à Coron. Par la suite, on peut véritablement parler de parc d’artillerie : les Royaux auront plus de trois cents canons ! Ce furent plutôt les servants qui firent défaut. Même dans la virée de Galerne, l’armée emporta plus de cinquante canons qui, tirés par des bœufs, des chevaux et des hommes, furent de tous les combats. Le commandant en chef de cette artillerie était le général Bernard de Marigny, cousin germain de Lescure et officier savant autant que courageux.

Le général avait reçu une solide formation militaire. Après ses études à l’école militaire de l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, il avait servi dans la marine royale et était lieutenant de vaisseau (capitaine). Il participa aux campagnes navales de la guerre d’Amérique sous les ordres de l’Amiral Chaffaud et du Comte d’Estaing. Ultérieurement affecté à un poste à terre sur sa demande, il fut attaché au port de Rochefort en charge de l’artillerie. Il possédait donc une solide formation concernant le service des artilleurs.

 

Gaspard de bernard de marigny

 

Gaspard de Bernard de Marigny

Portant l’Ordre de Saint-Louis et l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Lazare de Jérusalem

 

Au début de la guerre, l’armée vendéenne avait peu de pièces d’artillerie, une pour mille hommes environ. A titre de comparaison, la garde impériale du 1er Empire en avait quatre pour mille hommes. Les vendéens tiraient canons et caissons dans les boues des chemins, avec des attelages de dix bœufs au pas pesant. Quand il fallait aller vite, les conducteurs montaient sur leurs bœufs et les faisaient galoper comme des chevaux. Ces paysans qui n’avaient jamais vu de canon, s’en servaient mal. Ils ignoraient les difficultés, les études variées de cet art par lesquelles un artilleur devient sapeur, charretier, piéton, cavalier, terrassier. La théorie leur manquait, ainsi que sa longue pratique qui apprend l’effet des coups. Mais les vendéens devinaient l’indispensable. Ils tiraient les premières volées de leur artillerie, puis n’étant pas faits pour attendre immobiles, ils s’élançaient laissant derrière eux leurs pièces inutiles, et se précipitaient sur celles de l’ennemi, pour les prendre et les tourner contre les plus épais des bataillons ennemis.

En parlant de l’artillerie vendéenne, comment ne pas parler de leur fameux canon : « Marie-Jeanne » que les vaillants soldats entouraient de tant de vénération, C’était une pièce de 12 qui avait été fondue spécialement pour la défense et l’ornementation du château de Richelieu en Touraine. D’un travail admirable, elle était couverte d’armoiries dorées, d’ornements et d’inscriptions à la gloire de Louis XIII et du cardinal. Sur sa culasse était représentée une figure de femme. Les paysans vendéens la prennent pour celle de la Sainte Vierge. Ils s’en approchent avec respect et, dans la simplicité de leur foi, la nomment « Marie-Jeanne ». La vérité selon Henri Bourgeois (La Vendée historique 1899), c’est que le célèbre canon fut appelé ainsi du nom des filles des deux premiers canonniers qui furent chargés de son service, sous les ordres de « Six-Sous » (Celui-ci sera exécuté sur l’ordre du général d’Elbée pour meurtre d’un patriote fait prisonnier après la prise de Cholet en avril 1793). Véritable objet de vénération pour les vendéens, « Marie-Jeanne » est perdue à Fontenay, mais elle ne reste que huit jours sous la main des républicains, avant d’être reprise au combat de la Chataigneraie, début mai 1793, par le Général d’Elbée.

La « Marie-Jeanne » participe ensuite à la plupart des batailles des Vendéens avant de disparaître en octobre 1793 lors de la virée de Galerne, au cours de laquelle elle aurait été jetée dans la Loire ou dans l'étang du château du Bas-Plessis. Malgré plusieurs campagnes de fouilles, le canon n'a jamais été retrouvé.

 

800px octave de rochebrune marie jeanne 1874

 

Gravure réalisée en 1874 par Octave de Rochebrune représentant la Marie-Jeanne.

 

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