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le combat du Haut-Chêne 10 juillet 1815

Combat du Haut-Chêne

10 juillet 1815

 

La chouannerie de 1815 ne pouvait avoir le caractère d’une guerre entreprise pour délivrer le sol d’une présence étrangère : son but était d’affaiblir Napoléon, en l’obligeant à distraire de son armée une force importante. Ce but a été atteint car les renforts envoyés sur la Vendée étaient de l’ordre de 30 000 hommes soit l’effectif d’une Division aux ordres des généraux Lamarque, Travot, Brayer, Achard et Bigarré. Ces effectifs ont manqué à la bataille de Waterloo.

Le général Achard avait été envoyé de Paris pour prendre le commandement de toutes les troupes se trouvant en Mayenne et conduire les opérations militaires.

Sur la route de Cossé le Vivien, une dizaine de chouans mené par l’intrépide Ménard (qui devint garde-chasse de Monsieur de Pontfarcy) font 11 prisonniers bleus du général républicain Lamarque. Ils peuvent ainsi récupérer 250 cartouches, 11 excellents fusils et autant de gibernes, mais également de la terre de pipe (mélange d’argile blanche et de chaux pour blanchir les buffleteries de giberne). De La Broise fait libérer les prisonniers en les soustrayant à la vue de Moustache dont la colère est parfois subite et violente.

C’est à cette période que les Chouans apprennent la nouvelle de la défaite de Mont Saint-Jean (plus tard nommé Waterloo) du 18 juin 1815. Ils se trouvent alors à Montigné et placent un poste de garde de 20 hommes, sur la route de Cossé dans l’auberge du Petit-Haut-Chêne (car on est à 9km de Laval et 23km de Craon). Tous les autres sont envoyés au repos dans les fermes avoisinantes. Malheureusement quelques indisciplinés veulent se promener sur la route de Laval (un peu plus de 2 lieues) et arrivent sans coup férir en vue du Gué-d’Orger. L’alerte est donnée chez les Bleus, qui pensaient avoir à faire avec une avant-garde précédant une colonne d’attaque. D’autres chouans avaient abandonné la grande route de Craon et s’étaient portés sur Avesnières où ils pénétrèrent par la route de l’Huisserie, car ils voulaient s’emparer du drapeau républicain flottant sur le clocher. 6 faisaient le guet et un autre arracha le drapeau qu’il déchira pour se faire une ceinture.

Laval battait la générale et des soldats du 47eme de Ligne prirent les armes ainsi qu’un peloton de gendarmerie à cheval. Depuis Waterloo, la troupe était enragée ! Ils se considéraient comme outragés par la présence des chouans et de l’enlèvement du drapeau. Sachant que les Chouans étaient à Montigné, le général Achard (fidèle de Napoléon) excita ses troupes et prit la tête de sa garnison. Pendant ce temps, les Chouans regagnèrent Montigné en courant pour donner l’alerte. Dès leur arrivée, la vue du porteur du « drapeau » s’attira les rires joyeux des Chouans, d’autant qu’il était petit et fluet, couvert d’un drapeau qui le couvrait comme une robe.

Les officiers déjeunaient chez le curé de Montigné tandis que les Chouans jouaient comme toujours au bouchon (ou galoche ou aujourd’hui la binette : un bouchon surmonté de pièces qu’on doit renverser avec un palet). Le vieux Moustache jouaient avec les autres.

Tout à coup, plusieurs coups de fusils retentissent. Le poste de garde est attaqué. Moustache s’enflamme instantanément, sa bouche écume et il hurle des imprécations, répétant qu’il va tuer le chef ! rapidement le Chouan Guays l’ainé emmène 100 Chouans en appui du poste. La division est très vite rassemblée et se garde dans toutes les directions dangereuses.

Arrivé au pont de Cobouc (2km nord de Montigné, intersection de la route principale et du Vicoin), le général Achard s’arrête avec 12 hommes, tandis qu’il donne l’ordre à sa colonne de poursuivre, arrivant directement sur le poste de garde dont les Chouans s’étaient mis en défense. Dès que les Bleus furent à portée (fusil 1777 : portée 150m maxi : 250 m), une fusillade s’engagea. Elle donna l’alerte à Moustache qui accourut. Il se plaça au milieu de la grande route malgré les exhortations des Chouans. Il refusa et se planta au milieu de la route à 150 pas des Bleus (environ 50m) en criant : « Tirez, s..gueux, s..brigands, tirez v’là Moustache » Il devint le point de mire des tirailleurs Bleus mais par miracle, aucune balle ne l’atteignit. Puis il saisit son arme, visa longuement et tira, mais par un coup du sort, quand le chien frappa la platine, la pierre se cassa. Sans s’émouvoir, Moustache marcha tranquillement sur le coté de la route pour régler son incident de tir. Hélas, le miracle ne dura pas, et il reçut une balle dans la cuisse gauche. Il tenta de se mettre à l’abri d’une barrière situé à 40 pas en arrière (12m) en s’appuyant sur sa carabine. Mais à cet instant, la colonne Bleue voyant qu’il n’y avait devant elle qu’un petit groupe de Chouans s’élança en avant aux cris de « Vive l’Empereur ». Un des gendarmes à cheval fonce directement sur Moustache, le rejoint et lui assène un violent coup de sabre sur le coté droit de la tête qui lui détache un large morceau de chair auquel pend l’oreille. Etourdi, Moustache chancelle et tombe sur les genoux. Deux tirailleurs à pieds le rejoignent et le lardent de coups de baïonnette. Puis ils le dépouillent de sa giberne contenant ses papiers, ses brevets et sa croix de Saint-Louis, vident ses poches et le poussent du pied dans le fossé.

Toute la division est en défense, seul le Chouan Levaré est resté au camp avec 150 Chouans, en réserve. Les lignes sont étendues par petits groupes retranchés derrière les haies, afin de ne pas donner prise aux Bleus. Malgré cela, les Bleus avançaient, poussant les Chouans devant eux. Ils furent refoulés jusqu’aux abords de Montigné, mais la résistance devenait opiniâtre et les Bleus hésitaient sur la conduite à tenir, et finalement se retirèrent. Ce fut le signal de la contre-attaque et les Chouans s’élancèrent à leur poursuite, leur tuant de nombreux soldats. Ceux-ci parviennent à stopper la retraite et repoussent les Chouans dans le même mouvement pour refaire le même chemin en sens inverse. Une nouvelle fois bloque à l’entrée de Montigné par un fort parti Chouan, ils font l’objet d’une formidable décharge qui les stoppent, et font demi-tour en laissant nombre tués et blessés. Ce fut la fin de cet accrochage violent qui nous coûta Moustache !

Michel de La Broise (officier adjoint de Guays l'ainé) envoya 4 Chouans récupérer le corps de Moustache et le fit transporter en improvisant un brancard avec deux fusils et une perche. Le curé ne voulut pas garder le corps de Moustache car il avait peur des représailles des Bleus. Finalement, on arriva à le convaincre de cacher le corps sous de la paille dans la buanderie non loin du presbytère et de l’enterrer dans la journée. La Marquise de Chavagnac fit ériger un petit monument sur la tombe.

*Il est décédé le lundi 10 juillet 1815, à l'âge de 65 ans, à Montigné-le-Brillant, Le Haut-Chêne. Il est inhumé le 11 juillet 1815 à Montigné-le-Brillant.

Sa pierre tombale d'origine en ardoise se trouve au Musée de la chouannerie et de la Révolution française à Saint-Ouen-des-Toits. Une inscription indique : Ci gît, Mr Jean Bézier, dit Moustache, chevalier de Saint-Louis, colonel de la première Légion, de l'armée royale du Maine, né à Grenoux le 11 janvier 1750, mort dans cette paroisse le 10 juillet 1815, en combattant pour son Dieu et pour son Roi. Priez pour lui.

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